Pour être tragique une pièce doit-elle impérativement finir mal? Le héros doit-il souffrir jusqu'à ce que le rideau tombe? L'amplitude tragique d'une pièce se mesure-t-elle jusqu'à sa fin?
On s'habitue bien vite aux happy end que nous servent différentes industries télévisées et cinématographiques.
Bien sûr on souffre et on pleure, mais quel soulagement de ne pas avoir enduré tout cela pour rien! Purgé d'émotions négatives, on ressort avec, imprimé sur notre rétine, au choix : les retrouvailles, le baiser, la réconciliation finale.
Pourtant, la tragédie en tant que telle ne peut s'achever sur une note fraîche et pimpante. Renonçant à une facilité que nous prenons pour acquise, elle ne fait pas l'économie de la réflexion. Austère le tragique? Dépassée la catharsis? Peut-être bien. La tragédie contemporaine ayant pris son envol loin des codes édifiés par la Poétique de l'ami Aristote. On doit reconnaître que la tragédie fait difficilement vibrer les âmes comme elle a dû le faire durant l'Antiquité ou même le Moyen Age.
Mais un code théâtral évolue avec la société qui l'engendre, or aujourd'hui et avec tous les facteurs que nous connaissons, le spectateur se comporte plus que jamais en client. Il paye sa place et attend en échange un service qui tient souvent du plaisir et de la détente. Dès lors, comment prendre positivement le fait qu'on fasse souffrir le spectateur? Que la tragédie prenne à coeur les problèmes de l'homme et de la société sans nécessairement proposer un univers recomposé dans lequel dansent des bisounours?
On préfère de loin payer sa place pour un one man show, ou pour les téméraires une comédie grinçante. Et quand bien même avons nous payé pour l'Andromaque de Racine à la Comédie Française, il s'agit d'une tragédie qui ne s'inscrit plus dans un contexte actuel. Les questionnements qu'elle engendre sont distanciés.
A défaut d'un texte tragique, respectant l'ensemble des codes de la tragédie, on peut encore se confronter à des textes initiant l'émotion qui devait être autrefois ressentie par les Athéniens lors d'une représentation des Trachiniennes de Sophocle. Je citerai bien évidemment mon dernier chouchou en date : Wajdi Mouawad avec sa trilogie Littoral, Incendies, Forêts. Koffi Kwahulé ou encore Laurent Gaudé étant aussi de ces auteurs qui ne vous promènent pas au pays de Candy.
Alors, je le dis, que cela finisse mal! Sortons choqués, essorés, révoltés, d'une lecture ou d'une pièce tragique. Osons garder sur nos joues les traces iodées des larmes, les ridules d'inquiétudes, provoquées par une pièce tragique. OUI, la tragédie finit mal et ce n'est pas si grave.
Pour poursuivre la réflexion, un texte court et agréable à lire qui condense un ensemble de réflexions de théoriciens autour de l'happy end dans les tragédies. Avec une tasse de thé ou de café, un moment intelligent à passer devant son écran!