lundi 28 février 2011

Une tragédie finit-elle bien?


Pour être tragique une pièce doit-elle impérativement finir mal? Le héros doit-il souffrir jusqu'à ce que le rideau tombe? L'amplitude tragique d'une pièce se mesure-t-elle jusqu'à sa fin?

On s'habitue bien vite aux happy end que nous servent différentes industries télévisées et cinématographiques.
Bien sûr on souffre et on pleure, mais quel soulagement de ne pas avoir enduré tout cela pour rien! Purgé d'émotions négatives, on ressort avec, imprimé sur notre rétine, au choix : les retrouvailles, le baiser, la réconciliation finale.

Pourtant, la tragédie en tant que telle ne peut s'achever sur une note fraîche et pimpante. Renonçant à une facilité que nous prenons pour acquise, elle ne fait pas l'économie de la réflexion. Austère le tragique? Dépassée la catharsis? Peut-être bien. La tragédie contemporaine ayant pris son envol loin des codes édifiés par la Poétique de l'ami Aristote. On doit reconnaître que la tragédie fait difficilement vibrer les âmes comme elle a dû le faire durant l'Antiquité ou même le Moyen Age.
Mais un code théâtral évolue avec la société qui l'engendre, or aujourd'hui et avec tous les facteurs que nous connaissons, le spectateur se comporte plus que jamais en client. Il paye sa place et attend en échange un service qui tient souvent du plaisir et de la détente. Dès lors, comment prendre positivement le fait qu'on fasse souffrir le spectateur? Que la tragédie prenne à coeur les problèmes de l'homme et de la société sans nécessairement proposer un univers recomposé dans lequel dansent des bisounours?

On préfère de loin payer sa place pour un one man show, ou pour les téméraires une comédie grinçante. Et quand bien même avons nous payé pour l'Andromaque de Racine à la Comédie Française, il s'agit d'une tragédie qui ne s'inscrit plus dans un contexte actuel. Les questionnements qu'elle engendre sont distanciés.

A défaut d'un texte tragique, respectant l'ensemble des codes de la tragédie, on peut encore se confronter à des textes initiant l'émotion qui devait être autrefois ressentie par les Athéniens lors d'une représentation des Trachiniennes de Sophocle. Je citerai bien évidemment mon dernier chouchou en date : Wajdi Mouawad avec sa trilogie Littoral, Incendies, Forêts. Koffi Kwahulé ou encore Laurent Gaudé étant aussi de ces auteurs qui ne vous promènent pas au pays de Candy.

Alors, je le dis, que cela finisse mal! Sortons choqués, essorés, révoltés, d'une lecture ou d'une pièce tragique. Osons garder sur nos joues les traces iodées des larmes, les ridules d'inquiétudes, provoquées par une pièce tragique. OUI, la tragédie finit mal et ce n'est pas si grave.

Pour poursuivre la réflexion, un texte court et agréable à lire qui condense un ensemble de réflexions de théoriciens autour de l'happy end dans les tragédies. Avec une tasse de thé ou de café, un moment intelligent à passer devant son écran!


mardi 22 février 2011

Busy Rocks : apologie du mouvement

Busy Rocks, c'est un collectif, hors du commun au sein de la danse. 

Ils sont cinq, frais moulus de P.A.R.T.S., l'école de danse d'Anne Teresa de Keersmaeker, dont ils sont sortis en 2008. 
Une création vue au Théâtre de la Bastille, Dominos and Butterflies, m'a fait découvrir ces jeunes talents. Ces danseurs poussent la logique du mouvement, telle que perçue dans l'exercice théâtral intitulé la Machine Infernale (exercice théâtral que j'évoquais ici), à son extrême. Ils enchaînent, durant 50 minutes, une suite de mouvements jubilatoires. Sans musique, avec un éclairage minimaliste, sans costumes, ils se présentent au public en tenues d'exercices, armés de leurs genouillères. J'ai pris un réel plaisir à regarder cette apparente logique d'enchainement pendulaire, comme on peut être fasciné en regardant un boulier de Newton. Même si la vidéo est loin de rattraper la réalité du geste sur scène, voici l' O.T.M. du mois de mars :



lundi 21 février 2011

Le théâtre : une sortie scolaire?

Diable, une nuée d'enfants!

En allant voir des pièces pour le jeune public on s'habitue à côtoyer classes et professeurs venus se frotter au spectacle vivant.
On entend avec une certaine nostalgie le personnel du théâtre rappeler, sur ce ton si particulier que l'on utilise pour s'adresser aux enfants, les règles à suivre durant la représentation. 
Et les maîtres et maîtresses reprendre avec les enfants la raison de leurs présences à ce spectacle et les grandes lignes qui font l'histoire du théâtre auxquels certains assistent pour la première fois.
Ce qui m'a amenée à m'interroger sur l'organisation de tels événements dans le cadre scolaire. Quelles implications logistiques et administratives, quel suivi pour les enfants, quel projet à mener? Cette réflexion se base sur un principe que je soutiens : offrir un accès aux spectacles vivants à tous les enfants, sans instaurer de pression financière sur le porte-monnaie parental ou bien encore sur l'emploi du temps.
L'école, pour avoir été en lien avec elle lors de ma pratique professionnelle de l'animation, est un moyen d'offrir cet accès. Je n'oublie pas les associations qui jouent un rôle essentiel elles aussi auprès des jeunes, j'évoquerai bien évidemment leurs rôles lors d'un futur billet.

Mais pour l'instant, voici quelques lignes qui retracent la genèse de l'aventure théâtrale que vivent nos petits élèves. Mieux comprendre ce que fait l'équipe professorale, appréhender l'engagement artistique d'une école, prendre conscience de l'exigence réglementaire... Autant d'éléments qu'il est bon de connaître pour apprécier à sa juste valeur l'initiative de certains professeurs.

Le premier document à feuilleter est issu de la circulaire no 99-136 du 21 septembre 1999, il ne comporte que certains paragraphes que j'ai sélectionné pour l'intérêt des internautes n'étant pas nécessairement du corps professoral. Vous y trouverez des informations concernant :
  • Finalités et objectifs des sorties scolaires (découverte d'un projet, débat, outils pédagogiques d'exploitation de la sortie culturelle),  
  • Dispositions communes pour l'organisation des sorties scolaires (passage traitant essentiellement de la logistique)  
  • L'organisation pédagogique des activités mises en œuvre dans le cadre des sorties scolaires (déroulement de la présentation du projet de sortie culturelle, présentation aux élèves, relations pédagogiques avec le maître et partenariats possibles)
Lire la circulaire :

Pour les plus pressés, un résumé issu d'un article de la lettre mensuelle des professionnels jeune public, Le Piccolo



 


Et vous, quelle expérience retenez-vous des sorties scolaires et culturelles de vos enfants? Avez-vous déjà partagé une salle de spectacle avec des classes en sortie?

vendredi 4 février 2011

Petit Pierre ou comment tisser autour d'une histoire vraie


 Bus 96 direction Porte des Lilas, 45 min de trajet, de montées et de descentes et puis un arrêt : rue Saint Fargeau. Et puis un théâtre : le Théâtre de l'Est Parisien. Et puis un spectacle : Petit Pierre. Et puis les lumières s'allument...

Sur un plateau peuplé d'étrange feuilles métalliques et éclairé sobrement, Sara Louis se tient dans sa blouse bleue. Commence l'épopée atypique de Petit Pierre, un être un peu cassé, malingre, à l'œil à demi-fermé avec une étrange prononciation mais surtout un petit manège dans la tête.
La scène débute comme le jeu enfantin "dessiner c'est gagner", Sara Louis dessine un bébé et on entend les enfants de la salle qui  tentent de deviner le croquis à chaque apparition de bras, de jambes. Et puis, en surimpression se dessine un étrange visage que les enfants ne comprennent/reconnaissent pas : celui de Petit Pierre, l'enfant "tête de vipère". Au fur et à mesure du récit que Sara Louis mène d'un doigt de maître (malgré l'agitation de la salle), passant de narratrice à Petit Pierre, l'expérience personnelle se mêle à l'Histoire. Se découvrent et s'animent sur scène des figurines, des portraits, comme autant de petites tâches de la vie du héros. Des petites tâches qui égayent aussi le pelage de l'animal qui guide ce petit garçonnet "pas terminé" dans son appréhension du monde, cet animal chéri qu'il garde et veille : la vache.
Et s'imbriquent sans que l'on s'en rende compte l'histoire d'une vie, de deux guerres mondiales, de petites vexations,de grands espoirs pour former un manège "La Fabuloserie", reproduit à échelle symbolique sur la scène et projeté par un petit film en parallèle sur le mur au fond de la salle. Un instant magique où l'on s'émerveille de la mécanique de la vie, de celle de Petit Pierre, génie pas fini...

Un dossier autour du texte de Suzanne Lebeau et de sa mise en scène au Théâtre de l'Est Parisien :  cliquez ici

La Fabuloserie de Pierre Avezard, un site à visiter : cliquez ici

Un diaporama des photographies de la mise en scène pour ceux qui seraient passé à côté :



mardi 1 février 2011

L'O.T.M. en février, l'O.T.M. qui plaît!

Pour cet Objet Théâtral Mirobolant une mise en lumière d'un metteur en scène/auteur/directeur d'auteur, exceptionnel : Joël Pommerat. Mais aussi un hommage à cette nouvelle émission développée par Arte : Pass Pass Théâtre. Une initiative qui met à l'honneur le spectacle jeune public avec des rediffusions de pièces mais surtout de petits reportages sur ce qui se cache derrière le rideau de scène...
Je vous propose donc de découvrir Pinocchio de Joël Pommerat, récemment joué aux Ateliers Berthier à Paris.