jeudi 24 mars 2011

Théâtre et timidité

Le théâtre va-t-il concurrencer la psychanalyse? 

Un défaut, une qualité? Les uns et les autres se mettront d'accord. 
En revanche, la timidité quand elle n'est plus le simple charme des pommettes qui rosissent, mais plutôt la moiteur d'une paume, est bien plus compliquée à vivre et beaucoup moins glamour à aborder. Physiquement et psychologiquement, la timidité s'empare de l'être, comme une perte de maîtrise de soi qui pousse le timide à se fermer au monde. 

A l'adolescence, âge délicat au possible, la timidité maladive pèse de tout son poids. Une visite illico chez le psy du coin? Ou une immersion dans un atelier de théâtre?
Je vote pour la deuxième option en ayant fait l'expérience au lycée. Bien sûr on lutte et les premiers cours sont décourageants, stressants. Et puis, on prend confiance. Et surtout, on ne fait pas que vaincre une timidité, on apprend de nouveau son corps, on découvre le jeu et les comédiens, le texte. Plus qu'une descente dans les eaux profondes du moi intérieur, le théâtre ouvre au monde. Et tout ça, je vous invite à l'entendre de la bouche de lycéens et d'étudiants, de Papy du Déclic Théâtre lors de l'émission Service Public sur France Inter.
C'est dans :





vendredi 18 mars 2011

Quand le théâtre frappe :

Le Bruit des os qui craquent, un titre qui accroche, qui crépite dans l'oreille. J'y ai donc laissé traîner mes yeux pour finalement être happée par le quotidien d'Elikia  et Joseph, un quotidien qui n'a rien de routinier et rassurant. Cela fait partie des textes qui vous plongent dans un état de choc presque salutaire. La violence des adultes dans la bouche des enfants a toujours cet effet de perversion révélée. On reste bouche-bée en écoutant le cri de ces enfants-soldats à qui plus rien ne peut rappeler la vie, l'histoire du plus grand détournement d'humanité possible : celle des adultes sur les enfants.

Le synopsis est poignant et je me suis surtout attachée à un personnage, Elikia. Fillette enlevée à sa famille par les soldats rebelles après la mise à sac de son village. Les humiliations, les coups, les viols, fabriquent la femme sur la fillette. L'endurance, la reproduction des comportements violents sur les nouveaux, elle se fait remarquer : elle devient la femme du chef du camps. En même temps que l'acquisition d'un certain pouvoir et d'une protection lorsqu'elle reçoit sa première arme, elle se voit imposer de participer au raid sur les autres villages. Et puis un jour les soldats ramènent au camps Joseph, le plus jeune enrôlé. Elikia, du haut de ses 13 ans se rappelle alors la vie.
La fuite se décide, la fuite s'organise, la fuite se subit, la fuite se craint, la fuite se marque dans les corps meurtris et les esprits exténués : Elikia et Joseph se sauvent. La violence de ce théâtre-témoignage est parfois difficilement soutenable, alors le voix d'Angelina, l'infirmière qui reçoit les deux enfants, se lève face à une étrange commission et met à distance cette réalité, comme pour laisser filtrer une lumière incertaine.

On ne sort pas bien de la lecture de cette pièce, on a mal tout en se sentant impuissant à résoudre notre douleur car finalement ce n'est pas la notre mais celle d'autres enfants, là bas. Je remercie Suzanne Lebeau pour ne pas prétendre résoudre les conflits du monde, pour ne pas traîner dans le pathos, mais simplement pour évoquer un partage d'expériences sans jugement.  Comme on se raconterait notre enfance lors d'une première rencontre à grand renfort de petites madeleines, Elikia et Joseph nous racontent la leur, sans séduction, sans volonté d'impressionner.

Vous pouvez lire ce texte aux Editions Théâtrales Jeunesse ou allez voir la mise en scène de Anne-Laure Liégeois au Théâtre du Vieux Colombier à Paris.



En bonus, une vidéo de Suzanne Lebeau racontant la genèse de son texte et surtout la rencontre avec les deux enfants à l'origine du texte.